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Saintélyon 2016 - Voyage au bout de la nuit

Mercredi 7 Décembre 2016

Saintélyon 2016 - Voyage au bout de la nuit
Le froid est là, tenace, humide, noir et sonore. Il est 23h50 et le coup d’envoi de la Saintélyon 2016 va être donné. Les dossards élites sont déjà partis, la première vague aussi. Je suis dans la deuxième. Depuis quelques minutes, tout se brouille, je rentre dans ma bulle, je souris à mon beau-frère à côté mais ma tête est déjà dans la course…. Ca y est, le coup de départ est donné… la libération…
Des heures et des heures à courir seul, presque tous les jours, par tous les temps, à me perdre dans les bois de Clamart, à monter bêtement 4 fois d’affilée la côte des gardes, à enchainer des séances de VMA, des footings « de récup » de 16km et des sorties longues de plusieurs heures. Des semaines à surveiller sa nourriture pour sécher, des tubes de crème pour soigner les douleurs, des nuits à gamberger, des grands sourires de façade et une assurance de circonstance auprès des copains et de la famille…
Tout ça, envolé, c’est parti, on y est… mon premier gros trail. Pour n’en n’avoir fait que 2 de 20km avant, le défi est de taille. L’objectif est simple, arriver… vivant… et sur mes deux jambes. Espoir caché… faire moins de 11h pour les 72km et les presque 2000m de dénivelé.
J’ai décidé de suivre à la lettre tous les conseils de Laurent qui part quelques vagues derrière, ça me rassure d’avoir un « très bon » pas loin. C’est purement psychologique mais je me raccroche à ce que je peux…
Les 7 premiers kilomètres ne sont qu’un échauffement. L’œil rivé sur la montre, je me force à ralentir et à rester entre 6’ et 6’30’’ au kilo. Patience, ne pas se griller, ne pas céder à l’euphorie.
30 minutes de course, premières gorgées d’eau, la mécanique est en place, pas d’improvisation. Bientôt la première barre énergétique. Je n’ai pas faim mais la nuit promet d’être longue, alors on ouvre la bouche, on mâche et on continue à avancer.
Première petite difficulté au 8ème kilomètre, une bonne petite montée. Beaucoup de concurrents commencent à marcher. Je passe en mode « Côte des Gardes » et passe la zone en petites foulées. L’entrainement paye, c’est cool. Même pas essoufflé !
Jusqu’au 25ème kilomètre c’est la féérie. Entre la vision du chemin lumineux des frontales le long des routes de montagne, le brouillard relatif qui matérialise le faisceau des lampes, les descentes dans des chemins hérissés de pierres, de boue et de feuilles mortes sans oublier les montées relativement techniques, tout y est…. Et tout va bien !
Nous passons régulièrement dans des villages ou des spectateurs nous attendent en hurlant autour de braseros. Manifestement, certains n’ont pas bu que de l’eau, mais ils chantent et nous encouragent sans compter, c’est génial.
Passé le 25ème, le froid s’installe sur une succession de montées et de descentes ravinées et caillouteuses de plus en plus difficiles. J’ai sauté le premier ravitaillement, je saute le second également. J’ai encore de l’eau et de quoi me nourrir, je me sens très très bien et je suis globalement dans mes allures objectif.
35ème kilomètre, 4h du matin, le tournant de l’épreuve. Annoncé comme une nouveauté, se présente devant moi un sentier forestier d’un kilomètre avec une pente de plus de 25%. Tout le monde s’enlise dans la montée. Les mains sur les cuisses, nous enjambons les branches mortes, évitons les pierres et tentons d’accéder au sommet. Mes jambes explosent, mes mollets sont tétanisés, mes cuisses brulantes. Le souffle est court, les gémissements nombreux. Il me faudra un peu plus de 16 minutes pour en venir à bout. Je suis complètement occis.
Après un trop bref passage sur un plateau, j’entame la descente et commence aussitôt à regretter la montée d’avant. Mes jambes hurlent, mes genoux se bloquent, chaque pas est difficile.
Les supplices s’enchainent. Grosses montées ou je ne peux faire autrement que marcher mais en mode accéléré ce qui ne m’octroie aucun repos, petites montées en petites foulées, zones « plates » ou je tente de regagner un peu de temps et descentes où la douleur est proportionnelle à la pente. L’enfer. Ma préparation était bonne pour le fond mais largement insuffisante sur le dénivelé. Le corps ne suit plus. Tout est en train de lâcher. Et cela va durer 17 kilomètres, 17 kilomètres de supplice.
Je passe le troisième ravitaillement très vite, juste pour remettre de l’eau et attraper du pain d’épice à la volée. Je rentre en mode combat. Je me rebelle, seule manière de ne pas rejoindre les quelques centaines de concurrents qui abandonnent et se retrouvent dans les bus pour être rapatriés. Tout, tout sauf le bus.
Je cours dès que je peux, parfois plus d’un kilomètre d’affilé, parfois pour 5 mètres seulement, mais je ne m’arrête pas. L’aube approche et le froid se fait mordant. La fatigue aidant, je grelotte. Les routes bitumées sont de vraies patinoires et il faut courir à la limite du fossé pour accrocher un peu d’herbe et ne pas chuter. J’organise mentalement les obsèques de deux ongles d’orteil… et puis, je chute dans une descente, bien lourdement sur le côté, ça pique.
Dernier ravitaillement, à 11km de l’arrivée, je passe devant sans ralentir. Le jour est levé. J’arrive encore parfois à doubler des relayeurs, ça remonte le moral. Ça va mieux (enfin, tout est relatif), ça commence à sentir bon, mais je sais que le parcours comporte encore beaucoup de descentes. Je trouvais ça bien sur le papier avant le départ, je suis maintenant désespéré à chaque fois que je m’engage dans une pente.
J’ai l’impression que mes genoux ont doublé de volume. Courir, trottiner, courir, ne rien lâcher, marcher, courir, encore, sur quelques mètres, boire, courir, courir. Le cerveau est vide.
Dernière grosse montée à 5 kilomètres de l’arrivée (18%). Elle fait mal, très mal. Dernière grosse descente… mon dieu, des escaliers, 200 marches d’horreur absolue.
Dernier kilomètre, le pont Raymond Barre, l’entrée dans la halle Tony Garnier, la chaleur, les cris, la musique, le portique d’arrivée. L’arrivée… c’est fait… je l’ai fait.
J’embrasse le poteau d’arrivée, je me tient mes cuisses brulantes, j’arrive à faire une pirouette et sors de la zone. Je m’écroule, submergé par l’émotion et la décompression, je pleure à gros sanglots. Un autre concurrent à côté de moi est dans le même état.
Je vais récupérer mon T-Shirt… Finisher…. Il vaut cher celui-là.
Quelle folie, quelle inconscience de se lancer dans une pareille aventure, vu mon niveau. Je voulais savoir de quoi j’étais capable, j’en ai une bien meilleure idée maintenant. L’esprit a des ressources infinies… et permet d’aller jusqu’au bout de ses capacités physiques, de ne rien lâcher, de se battre à chaque pas et de tenir sur la longueur.
Les trailers expérimentés doivent rigoler en lisant ça… ils sont habitués et gèrent certainement bien mieux que moi leur effort. Pour moi, ce baptême du feu fut un véritable feu d’artifice.
Je ne regrette rien, qu’elle expérience. 9h 16 min et 41 secondes… inespéré d’être dans le premier quart au classement (1476ème sur 5938 partants). Je sais que c’est en grande partie grâce aux conseils et encouragements reçus de tous les copains du club, ce fut une aide inestimable. Merci à tous du fond du cœur.
Merci aussi à Laura de m’avoir soutenu… sans toi je n’aurai pas su y arriver. « Mauvaise nouvelle » quand même… 16 min et 41 secondes …. C’est ce qui me manque pour avoir la Saintélyon d’Argent… ce n’est rien… donc….il faut absolument aller les chercher…
Je la referai cette course, ne serait-ce que pour passer sous la barre des 9h00 et échanger ma médaille de bronze contre celle d’argent, non mais !
Stéphane TAISNE

PS : Je n’oublie pas Laurent, père courage qui a souffert de son pied avec une chaussure trop petite pendant 10h30, lui qui avait les jambes pour moins de 9h, une belle leçon d’abnégation !!!

Saintélyon 2016 - Voyage au bout de la nuit

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Stéphane Taisne

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